Histoire

Notre histoireu2026

Contexte pru00e9curseur du2019une fondation
Cu2019est dans le cadre historique du2019un ru00e9veil missionnaire et religieux de la ru00e9gion du sud-ouest de la province de Quu00e9bec que le diocu00e8se de Saint-Hyacinthe fut u00e9rigu00e9 en 1852.

Au plan socio-politique
Au Bas-Canada, la premiu00e8re partie du XIXiu00e8me siu00e8cle a u00e9tu00e9 marquu00e9e par une crise socio-politico-culturelle dont le point culminant fut la Ru00e9bellion de 1837-1838. Pour comprendre la situation qui pru00e9valait u00e0 cette u00e9poque, revoyons quelques-uns des u00e9lu00e9ments qui ont conduit u00e0 cette crise.

Le premier u00e9lu00e9ment qui retient notre attention est celui du2019une situation u00e9conomique difficile qui atteindra son apogu00e9e au cours des annu00e9es 1830. u00c0 cette u00e9poque, lu2019u00e9conomie du Bas-Canada et plus particuliu00e8rement celle de la ru00e9gion montru00e9alaise, repose essentiellement sur la monoculture du blu00e9. Or, u00e0 la suite du2019une su00e9rie de du00e9boires liu00e9s au retour de la maladie du blu00e9 mieux connue sous le nom de lu2019ergot du blu00e9, le Bas-Canada nu2019est plus en mesure du2019affronter la concurrence du Haut-Canada qui peut du00e9sormais produire du blu00e9 en plus grande quantitu00e9 et de meilleure qualitu00e9. Les conditions de vie deviennent alors difficiles et stressantes au plan u00e9conomique. Conditions qui, lorsquu2019elles perdurent, sont souvent u00e0 la base du2019une crise de sociu00e9tu00e9.1

Les consu00e9quences de cette crise u00e9conomique sont aggravu00e9es par une croissance du00e9mographique sans pru00e9cu00e9dent dans la grande ru00e9gion au sud de Montru00e9al. En effet, entre 1800 et 1850, on enregistre une tru00e8s forte migration vers les villes car le surcrou00eet de population dans les campagnes ne permet plus au domaine rural de faire vivre du00e9cemment ses populations.

Comme Messieurs Rousseau et Remiggi le font remarquer : u00abu00a0Ce surcrou00eet de population agricole impose u00e9galement une pression sur la population urbaine qui, u00e0 Montru00e9al, est en pleine croissance. Les journaliers, main-du2019oeuvre non qualifiu00e9e, atteignent 40 pour cent de la population et lu2019afflux des immigrants ne permet guu00e8re le recours u00e0 la solution urbaine pour remu00e9dier au trop-plein rural. Faisant lu2019expu00e9rience du2019u00eatre de plus en plus nombreux u00e0 occuper un espace ru00e9tru00e9cissant sans cesse qui, du reste, ne ru00e9ussit plus u00e0 faire vivre son monde, la population des campagnes et des villes ne peut manquer du2019avoir enregistru00e9 ces pressions sur ses possibilitu00e9s du2019existence habituelles avec une inquiu00e9tude croissante que les tensions socio-ethniques ne feront quu2019exacerber.u00a0u00bb2

En effet, au cours des annu00e9es 1820 et plus particuliu00e8rement des annu00e9es 1830, le Bas-Canada voit arriver une grande quantitu00e9 du2019immigrants anglophones.3u00a0Selon les statistiques que nous avons pu obtenir, du00e8s 1831, ces u00e9migrants anglophones forment 45 pour cent des chefs de famille u00e0 Quu00e9bec, tandis quu2019en 1842, 60 pour cent de la population montru00e9alaise est anglophone. Pour sa part, le monde rural est marquu00e9 plus lentement par lu2019immigration anglo-protestante qui cherche u00e0 u00e9viter les territoires occupu00e9s par les catholiques de langue franu00e7aise en su2019u00e9tablissant dans les Cantons de lu2019Est.

La rencontre de ces deux mondes est pourtant inu00e9vitable. Elle se produit du00e8s les premiu00e8res annu00e9es du XIXiu00e8me siu00e8cle et ne fait que renforcer les diffu00e9rends du00e9ju00e0 latents entre les deux populations. En effet, nous sommes en pru00e9sence de deux groupes qui veulent prendre en mains les destinu00e9es du Bas-Canada : du2019une part, la bourgeoisie du2019affaires, anglophone et protestante et du2019autre part, la bourgeoisie professionnelle, francophone et catholique. La question est alors de savoir qui parlera au nom de la sociu00e9tu00e9 du Bas-Canada.

La situation est telle quu2019u00e0 partir de 1830, su2019amorce progressivement une crise qui trouvera son point culminant dans la Ru00e9bellion de 1837-1838, car, u00e0 compter de 1815, u00abu00a0la grande bourgeoisie du2019affaires anglophone, largement responsable de lu2019arrivu00e9e du parlementarisme, se ligue avec lu2019aristocratie contre un nouveau groupe social en u00e9mergence, la petite bourgeoisie patriote majoritairement canadienne qui aspire u00e0 diriger la sociu00e9tu00e9 gru00e2ce u00e0 la prise de contru00f4le des postes u00e9lectifs u00e0 la Chambre. De tendance soit conservatrice, soit libu00e9rale ou ru00e9publicaine, cette classe nationaliste fait face, u00e0 partir de 1828, u00e0 lu2019opposition quasi unanime des anglophones qui se sont rassemblu00e9s au sein du Parti bureaucrate.4

u00c0 partir de 1834, cu2019est au tour du mouvement patriotique de se radicaliser et du2019entrer dans une lutte ouverte pour lu2019accroissement des pouvoirs u00e0 lu2019Assemblu00e9e lu00e9gislative. Toutefois, devant le refus de Londres qui, en 1837, choisit de du00e9fendre les institutions impu00e9riales pour lesquelles milite le Parti bureaucrate des anglophones, la lutte su2019engage u00e0 un autre niveau que celui du parlementarisme. Cu2019est la mobilisation populaire dans les rues et les campagnes, tant du cu00f4tu00e9 anglophone que francophone. u00c0 ce chapitre, lu2019historien Jean-Paul Bernard affirme que dans la seule ru00e9gion montru00e9alaise se sont constituu00e9s deux groupes militants du2019environ 5 000 personnes chacun.5

Nous connaissons tous lu2019issue des diffu00e9rents soulu00e8vements armu00e9s qui ont pris place en ces annu00e9es 1837 et 1838 : u00abu00a0u00a0u00e9checs militaires des Patriotes surpris par lu2019accu00e9lu00e9ration des u00e9vu00e9nements, ru00e9pression sauvage, emprisonnements, perte des droits, politique de neutralisation du mouvement national par la fusion avec le Haut-Canada.u00a0u00bb6

Au plan religieux et ecclu00e9sial
Au du00e9but du XIXiu00e8me siu00e8cle, seul lu2019archidiocu00e8se de Quu00e9bec est officiellement reconnu au Bas-Canada u2013 reconnaissance du vicariat apostolique de la Nouvelle-u00c9cosse par Rome le 4 juillet 1817 u2013 qui est passu00e9 de lu2019u00e9tat de vicariat apostolique octroyu00e9 le 11 avril 1658 u00e0 celui de diocu00e8se le 1er octobre 1674 pour atteindre le statut du2019archidiocu00e8se le 12 janvier 1819.

En 1820, u00e0 la demande de Mgr Joseph-Octave Plessis, M. lu2019abbu00e9 Jean-Jacques Lartigue est nommu00e9 u00e9vu00eaque auxiliaire pour le district de Montru00e9al. Apru00e8s plusieurs pu00e9ripu00e9ties et difficultu00e9s, le district de Montru00e9al est finalement u00e9rigu00e9 en diocu00e8se le 13 mai 1836 par Sa Saintetu00e9 Gru00e9goire XVI et Mgr Jean-Jacques Lartigue en devient le premier u00e9vu00eaque. Durant ce temps, Mgr Bernard Claude Panet a succu00e9du00e9 u00e0 Mgr Plessis au siu00e8ge u00e9piscopal de lu2019archidiocu00e8se de Quu00e9bec.7

Dans le contexte socio-politico-culturel de ce du00e9but du XIXiu00e8me siu00e8cle, une question se pose: quelles sont les pru00e9occupations de lu2019u00e9piscopat catholique? Elles sont de deux ordres: 1) faire reconnau00eetre et consolider lu2019autoritu00e9 ecclu00e9siastique aupru00e8s des autoritu00e9s politiques du nouveau ru00e9gime britannique; 2) assurer le soin pastoral et spirituel des fidu00e8les.

Depuis la cession de la Nouvelle France u00e0 lu2019Angleterre par le Traitu00e9 de Paris en 1763, la hiu00e9rarchie catholique sur le nouveau continent nu2019a du2019autre choix que du2019observer et de tenter de saisir le positionnement de la Grande Bretagne face aux grands u00e9vu00e9nements mondiaux de lu2019heure et du2019analyser les retombu00e9es de ces u00e9vu00e9nements sur le pays: du2019abord la Guerre du2019indu00e9pendance aux u00c9tats-Unis et lu2019invasion des troupes amu00e9ricaines dans le sud-ouest de la colonie, de 1775 u00e0 1776; puis la Ru00e9volution franu00e7aise de 1789 u00e0 1799 qui pru00f4ne, entre autres idu00e9es, la souverainetu00e9 de la nation, un concept qui peut encore influencer les idu00e9es avancu00e9es par la montu00e9e du patriotisme au Bas-Canada en ce du00e9but de XIXiu00e8me siu00e8cle; puis, la guerre avec les u00c9tats-Unis du2019Amu00e9rique en 1812 et enfin,u00a0la solution u00e0 la question napolu00e9onienne?? et lu2019u00e9tablissement de rapports harmonieux entre les autoritu00e9s londoniennes et romaines qui deviennent de plus en plus nu00e9cessaires en raison mu00eame de la situation plutu00f4t pru00e9caire de la hiu00e9rarchie catholique au pays.8

u00c0 ce chapitre, voici ce quu2019en disent u00e0 juste titre Messieurs Rousseau et Remiggi : u00abu00a0u00c0 la fin du XVIIIiu00e8me siu00e8cle et au du00e9but du XIXiu00e8me siu00e8cle, lu2019u00e9piscopat avait du2019abord pour prioritu00e9 du2019u00eatre reconnu, malgru00e9 la lu00e9gislation en vigueur en Grande Bretagne, puis de capitaliser doucement la reconnaissance acquise pour entreprendre la division de lu2019immense territoire colonial en u00e9vu00eachu00e9s et finalement relier ceux-ci entre eux au moyen de la cru00e9ation du2019une province ecclu00e9siastique. Celle-ci verra le jour dans les annu00e9es 1840. Cette du00e9fense de lu2019institution hiu00e9rarchique prendra du2019abord la forme du2019une stratu00e9gie du2019ancien ru00e9gime : on accepte un genre de tutelle royale, faisant circuler entre le gouverneur et lu2019u00e9vu00eaque de Quu00e9bec toutes les subtilitu00e9s du patronage gouvernemental en perpu00e9tuelle nu00e9gociation; puis, bien des annu00e9es apru00e8s lu2019instauration de la du00e9mocratie parlementaire, la politique consistera u00e0 influencer lu2019opinion publique et la du00e9putation lorsque lu2019u00e9vu00eaque de Montru00e9al, Mgr Lartigue, du00e9couvrira le caractu00e8re du00e9sormais incontournable de cette nouvelle voie.u00a0u00bb9

u00c0 la fin du XVIIIiu00e8me siu00e8cle et dans la premiu00e8re partie du XIXiu00e8me siu00e8cle, du moins jusquu2019u00e0 la fondation du diocu00e8se de Montru00e9al, il semble bien que
u00abu00a0les u00e9vu00eaques de Quu00e9bec et leurs coadjuteurs visitent ru00e9guliu00e8rement les paroisses, mais leurs observations portent essentiellement sur les choses sacru00e9es,
sans programme de stimulation de la ferveur des fidu00e8les. Celle-ci, pour autant quu2019elle nous est connue, su2019est peu u00e0 peu installu00e9e dans la tiu00e9deur; certes les fidu00e8les continuent u00e0 recourir aux rites les plus utilitaires pour su2019assurer de lu2019efficacitu00e9 immu00e9diate de la vie, mais ils sont peu sensibles aux pratiques volontaires plus engagu00e9es.u00a0u00bb10

Peut-u00eatre y a-t-il lu00e0 un motif pouvant expliquer que le du00e9but du XIXiu00e8me siu00e8cle est marquu00e9 par une baisse considu00e9rable des vocations, quu2019il su2019agisse de vocations u00e0 la vie religieuse tant chez les hommes que chez les femmes ou encore u00e0 la vie sacerdotale. Dans ce dernier cas, la baisse du recrutement remonte u00e0 la fin du XVIIIiu00e8me siu00e8cle, le district de Montru00e9al u00e9tant le plus touchu00e9, ceci malgru00e9 une affluence grandissante aux pratiques religieuses au cours des premiu00e8res annu00e9es du XIXiu00e8me siu00e8cle. Ainsi, u00abu00a0le recrutement dans le Sud-Ouest connau00eet une baisse absolue en nombre entre la du00e9cennie 1820-1829 et celle de 1830-1839, tant chez les femmes (-10 pour cent) que chez les hommes (-7,3 pour cent).u00a0u00bb11
Cette situation persistera jusquu2019au du00e9but des annu00e9es 1840 alors que nous assisterons de nouveau u00e0 une recrudescence des vocations religieuses et sacerdotales.

Nommu00e9 u00e9vu00eaque coadjuteur de Mgr Jean-Jacques Lartigue, u00e9vu00eaque de Montru00e9al, en 1837, Mgr Ignace Bourget lui succu00e8de le 19 avril 1840. Cependant, du00e8s 1839,
Mgr Bourget, dans ses visites pastorales et par les questionnaires quu2019il fait parvenir aux curu00e9s des paroisses, cherche u00e0 connau00eetre les principales vertus et les du00e9sordres les plus communs des paroissiens dans chacune des paroisses du diocu00e8se. Malgru00e9 la difficultu00e9 que repru00e9sente une telle compilation de 1839 u00e0 1882, lu2019exercice permet de se faire une idu00e9e assez pru00e9cise sur les convictions et les pratiques religieuses de lu2019u00e9poque. Il est u00e9galement possible du2019appliquer, u00e0 toutes fins pratiques, les ru00e9sultats des recherches de Mgr Bourget aux premiu00e8res du00e9cennies allant de 1800 u00e0 1840.

Un des traits caractu00e9ristiques de la vie de lu2019u00c9glise u00e0 cette u00e9poque est le degru00e9 u00e9levu00e9 de la pratique religieuse, notamment des communions pascales. Pour tous les fidu00e8les en u00e2ge de le faire, lu2019obligation de communier au moins une fois par annu00e9e u00e0 lu2019occasion de la fu00eate de Pu00e2ques remonte au du00e9but du XIIIiu00e8me siu00e8cle. Cette discipline de lu2019u00c9glise universelle, implantu00e9e en Nouvelle France par le Rituel de Mgr de Saint-Vallier, est encore en vigueur au XIXiu00e8me siu00e8cle. Le refus de su2019y soumettre, su2019il est du00e9noncu00e9 u00e0 lu2019u00e9vu00eaque, peut entrau00eener lu2019interdiction du2019entrer dans une u00e9glise et lu2019inaccessibilitu00e9 u00e0 une su00e9pulture en terre ecclu00e9siastique. Il su2019agit donc du2019un u00e9lu00e9ment important qui permet du2019u00e9valuer la ferveur populaire en matiu00e8re du2019observance religieuse.

Gru00e2ce aux questionnaires que lu2019u00e9vu00eaque de Montru00e9al, Mgr Bourget, faisait parvenir aux curu00e9s de ses paroisses, nous apprenons quu2019en 1839, le pourcentage des u00abu00a0pascalisantsu00a0u00bb variait u00e9normu00e9ment du2019un milieu u00e0 un autre. Ainsi u00e0 Montru00e9al, pour la paroisse Notre-Dame, le pourcentage est de 38,4 pour cent tandis quu2019il est respectivement de 51,2 pour cent et de 56,2 pour cent pour les paroisses de Saint-Benoit et de Saint-Augustin. Plus on su2019u00e9loigne des grands centres, plus ces pourcentages ont tendance u00e0 augmenter pour atteindre 86 pour cent u00e0 Saint-Hugues, 93,1 pour cent u00e0 Saint-Simon-de-Bagot et 93,2 pour cent u00e0 Saint-Ours.
Fait u00e0 noter, ces trois derniu00e8res paroisses seront cu00e9du00e9es au diocu00e8se de Saint-Hyacinthe lors de sa fondation en 1852. Mais nu2019anticipons pas.12

Les travaux de M. Louis Rousseau, assistu00e9 de M. Fru00e9du00e9ric Castel, permettent u00e9galement de dresser, toujours selon les recherches de Mgr Bourget, un portrait u00e9loquent du comportement moral qui ru00e9gnait au sein de la population de lu2019u00e9poque. Du2019apru00e8s les ru00e9ponses aux questions recueillies par Mgr Bourget aupru00e8s des curu00e9s des paroisses, nous pouvons identifier les principaux du00e9sordres moraux que le clergu00e9 de lu2019u00e9poque identifiait chez leurs ouailles. Parmi ceux-ci, il faut mentionner en premier lieu lu2019ivrognerie, largement ru00e9pandue, puis les blasphu00e8mes, les bals et les jeux du00e9shonnu00eates, la nu00e9gligence des parents concernant la surveillance des jeunes gens, les mauvaises moeurs et les mauvaises habitudes, et enfin, le manque de pratique religieuse comme en fait foi le taux de pratique
de la confession ou de la communion pascale u00e9voquu00e9e plus haut.13

Force est de constater quu2019u00e0 la fin des annu00e9es 1830, au lendemain de la Ru00e9bellion de 1837-1838, nous retrouvons une u00c9glise qui, pour employer une expression populaire, est grandement en perte de vitesse. Il lui tarde du2019u00eatre pleinement reconnue par lu2019autoritu00e9 civile et son influence est u00e0 reconstruire aupru00e8s de ses membres. Ses effectifs presbytu00e9raux sont dramatiquement u00e0 la baisse et ce qui est encore plus inquiu00e9tant, cu2019est quu2019Elle est confrontu00e9e u00e0 la tiu00e9deur de ses fidu00e8les. Parlant de la situation du clergu00e9 au lendemain de la Ru00e9bellion de 1837-1838, voici ce quu2019u00e9crit le Chanoine Lionel Groulx : u00abu00a0La premiu00e8re et la plus grande misu00e8re des diocu00e8ses de Quu00e9bec et de Montru00e9al se ramu00e8ne u00e0 ce manque, u00e0 cette pu00e9nurie du personnel du2019u00e9glise,u2026; parmi les pru00eatres en service actif, beaucoup sont vieillis et accablu00e9s de fatigue; du2019autres u00e9puisu00e9s de travail u00e0 la fleur de lu2019u00e2ge.u00a0u00bb14

Les antu00e9cu00e9dents immu00e9diats (1840-1852)
Lu2019arrivu00e9e de Mgr Ignace Bourget u00e0 titre de coadjuteur au diocu00e8se de Montru00e9al en 1837 va bientu00f4t permettre du2019entreprendre un travail gigantesque qui posera les bases du2019un renouveau religieux et missionnaire sans pru00e9cu00e9dent au sein de lu2019u00c9glise du Bas-Canada u00e0 compter des annu00e9es 1840.

Au moment ou00f9 il prend possession du siu00e8ge u00e9piscopal, le 19 avril 1840, le diocu00e8se de Montru00e9al compte u00abu00a0u00a0environ 300,000 fidu00e8les, dans un territoire contenant les futurs diocu00e8ses de Saint-Hyacinthe, Valleyfield, Joliette, Mont-Laurier, Saint-Jean, Saint-Ju00e9ru00f4me et une partie, du2019un cu00f4tu00e9, du diocu00e8se de Sherbrooke, et de lu2019autre, des diocu00e8ses du2019Ottawa, de Pembroke et de Timmins.u00a0u00bb15

Mgr Bourget occupera le siu00e8ge u00e9piscopal du diocu00e8se de Montru00e9al jusquu2019en 1876. Il sera donc pru00e9sent au moment de la fondation du diocu00e8se de Saint-Hyacinthe et son influence su2019y fera sentir. Entre le moment de son accession au siu00e8ge u00e9piscopal de Montru00e9al et le moment de la fondation du diocu00e8se de Saint-Hyacinthe, on peut dire que le travail apostolique de Mgr Bourget sera marquu00e9 par deux grandes pru00e9occupations.

La premiu00e8re pru00e9occupation du nouvel u00e9vu00eaque est du2019instaurer un renouveau au sein de lu2019u00c9glise de Montru00e9al. Du00e8s septembre 1839, les autoritu00e9s ecclu00e9siastiques de Montru00e9al innovent en ru00e9unissant pour la premiu00e8re fois les membres du clergu00e9 pour une retraite commune. Cu2019est le du00e9but du2019une longue tradition qui se maintient encore aujourdu2019hui dans les diffu00e9rents diocu00e8ses du Quu00e9bec.

En plus de rapprocher les membres du clergu00e9 entre eux, cette ru00e9union offre lu2019occasion du2019annoncer le projet du2019une u00abu00a0Mission populaireu00a0u00bb pour tout le diocu00e8se. u00abu00a0Il su2019agit du2019une sorte du2019occupation du territoire du2019une paroisse par des pru00e9dicateurs et des confesseurs de lu2019extu00e9rieur, durant plusieurs jours, afin du2019amener mu00eame le dernier des paroissiens u00e0 changer de vie en se confessant et en recevant lu2019absolution de ses fautes.u00a0u00bb16

Pour mener u00e0 bien ce projet, Mgr Bourget fait appel u00e0 lu2019u00e9vu00eaque de Nancy, Mgr Charles Auguste de Forbin-Janson qui, forcu00e9 de su2019exiler de son diocu00e8se u00e0 la suite de la ru00e9volution de Juillet 1830 en France, est actuellement de passage u00e0 New York. Il fait u00e9galement appel aux Oblats de Marie-Immaculu00e9e qui arrivent en terre canadienne au cours du mois de du00e9cembre 1841. Entre octobre 1840 et septembre 1842, pru00e8s de la moitiu00e9 des paroisses du vaste diocu00e8se de Montru00e9al est rejointe. Lu2019appel u00e0 la conversion semble avoir u00e9tu00e9 entendu puisque lu2019indice du devoir pascal, qui jusque-lu00e0 u00e9tait u00e0 la baisse, augmente soudainement de 10 %.1

Apru00e8s la grande ru00e9ussite de la u00abu00a0Mission populaireu00a0u00bb, il faut maintenant consolider les acquis. Cu2019est u00e0 cela que Mgr Bourget su2019emploiera dans les annu00e9es qui vont suivre.

A-u00a0 AU NIVEAU DU CLERGu00c9

Pru00e9occupu00e9 par un manque de recrutement et la formation du clergu00e9, Mgr Bourget en confie la responsabilitu00e9 aux Messieurs de Saint-Sulpice qui, le 7 novembre 1840, inaugurent lu2019oeuvre du Grand Su00e9minaire dans lu2019ancien Collu00e8ge de Montru00e9al de la rue Saint-Paul.

Mgr Bourget porte u00e9galement le souci de rallier son clergu00e9 u00e0 ses pru00e9occupations pastorales et spirituelles. Comme le mentionne M. Louis Rousseau : u00abu00a0Du00e8s 1843, il avait convoquu00e9 une assemblu00e9e gu00e9nu00e9rale des curu00e9s du diocu00e8se au cours de laquelle il leur demandait de ru00e9pondre u00e0 certaines questions portant sur la mise u00e0 jour de la lu00e9gislation scolaire, la modification des prescriptions relatives au jeu00fbne et u00e0 lu2019abstinence, lu2019administration de la Fabrique, la diffusion du Nouveau Testament en franu00e7ais et lu2019u00e9tablissement des confu00e9rences ecclu00e9siastiques. Cette ru00e9union donna pour la premiu00e8re fois aux curu00e9s
le sentiment de participer u00e0 une entreprise collective de ru00e9novation et elle marqua le du00e9but des ru00e9unions quadri-annuelles au cours desquelles les pru00eatres du2019un mu00eame arrondissement du00e9battaient ensemble de questions pastorales et soumettaient un rapport u00e9crit des opinions u00e9mises, souvent divergentes du2019ailleurs.u00a0u00bb18

De plus, entre 1837 et 1847, cinq communautu00e9s religieuses masculines arrivent de France et viennent su2019u00e9tablir dans le diocu00e8se de Montru00e9al, offrant ainsi aux jeunes hommes un style de vie et du2019engagement disparu depuis lu2019u00e9vu00e9nement de la Conquu00eate. Parmi ces communautu00e9s de religieux, il faut mentionner les Fru00e8res des u00c9coles chru00e9tiennes (1837), les oblats de Marie-Immaculu00e9e (1841), les Ju00e9suites (1842), les clercs de Saint-Viateur (1847) et la congru00e9gation de Sainte-Croix (1847).19

Fait u00e0 retenir, en septembre 1846, peu avant son du00e9part pour un deuxiu00e8me voyage en Europe, Mgr Bourget accueille un jeune u00e9tudiant en thu00e9ologie qui a pour nom Louis-Zu00e9phirin Moreau. Ce dernier sera confiu00e9 aux bons soins de Mgr Jean-Charles Prince, coadjuteur de Mgr Bourget depuis 1844.

B-u00a0 SUR LE PLAN SOCIAL

Au moment de son arrivu00e9e au siu00e8ge u00e9piscopal de Montru00e9al, Mgr Bourget peut compter sur quelques communautu00e9s religieuses oeuvrant du00e9ju00e0 aupru00e8s des pauvres et des malades : les Soeurs de la Charitu00e9 de Montru00e9al, communautu00e9 fondu00e9e par Marguerite du2019Youville en 1737 et les Hospitaliu00e8res de Montru00e9al, responsables de lu2019hu00f4pital Hu00f4tel-Dieu de Montru00e9al depuis 1820.

Mais la crise des annu00e9es 1830 a laissu00e9 derriu00e8re elle des besoins si grands que deux communautu00e9s religieuses ne peuvent suffir u00e0 la tu00e2che. Mgr Bourget su2019emploie donc u00e0 mettre sur pied diverses fondations. Parmi les plus importantes, citons du2019abord la fondation de lu2019Hu00f4tel-Dieu de Saint-Hyacinthe quu2019il confie le 2 mai 1840 aux Soeurs de la Charitu00e9 de Montru00e9al. Elles du00e9cideront de former une nouvelle communautu00e9 de Soeurs Grises, connue aujourdu2019hui sous le vocable des Soeurs de la Charitu00e9 de Saint-Hyacinthe. En septembre 1843, avec le concours de Mu00e8re Gamelin, il fonde les Soeurs de la Providence qui se consacreront aux soins des plus pauvres. En 1844, u00e0 sa demande, les Soeurs du Bon Pasteur du2019Angers viennent su2019u00e9tablir u00e0 Montru00e9al pour travailler aupru00e8s des femmes incarcu00e9ru00e9es et des victimes de violence. Le 16 janvier de lu2019an 1848, il fait appel u00e0 Mme Rosalie Cadron-Jettu00e9 pour fonder les Soeurs de la Misu00e9ricorde afin du2019oeuvrer aupru00e8s des filles-mu00e8res. Toujours dans le domaine social, le 19 mars 1848, en la fu00eate de Saint-Joseph, il fonde lu2019oeuvre de la Saint-Vincent-de-Paul que M. Fru00e9du00e9ric Ozanam vient du2019instituer u00e0 Paris.20

C-u00a0 AU NIVEAU DE Lu2019u00c9DUCATION

Bien que Marguerite Bourgeois et ses filles oeuvrent dans le domaine de lu2019u00e9ducation de la jeunesse depuis 1658, ce nu2019est quu2019en 1698 que Mgr de Saint-Vallier de Quu00e9bec reconnau00eetra officiellement la communautu00e9 religieuse qui reu00e7oit alors le nom de Congru00e9gation de Notre-Dame.

Cependant, les besoins sont toujours aussi grands et Mgr Bourget su2019applique donc u00e0 trouver des remu00e8des, soit en accueillant de nouvelles communautu00e9su00a0 religieuses, soit en procu00e9dant u00e0 quelques fondations. Spu00e9cialisu00e9e dans lu2019u00e9ducation des garu00e7ons, la communautu00e9 des Fru00e8res des u00c9coles chru00e9tiennes arrive au pays en 1837 et su2019u00e9tablit dans la ru00e9gion de Montru00e9al. Le 28 fu00e9vrier 1844, avec le concours de Mu00e8re Marie-Rose (Eulalie Durocher), Mgr Bourget procu00e8de u00e0 la fondation des Soeurs des Saints Noms de Ju00e9sus et de Marie. Les filles de Madeleine-Sophie Barat mieux connues sous le vocable des dames du Sacru00e9-Coeur arrivent u00e0 Saint-Jacques-de-lu2019Achigan en 1842 pour su2019u00e9tablir du00e9finitivement au Sault-au-Ru00e9collet en 1858 et se vouer u00e0 lu2019u00e9ducation de la bourgeoisie comme u00e0 celle des pauvres. Quant u00e0 eux, les fru00e8res et les religieuses de Sainte-Croix viennent su2019u00e9tablir en terre canadienne en 1847. Finalement, cu2019est au tour du2019Esther Blondin de fonder la communautu00e9 des Soeurs de Sainte-Anne. Du00e9sireuse de se vouer u00e0 lu2019enseignement des enfants pauvres des deux sexes, cette communautu00e9, lorsquu2019elle prend officiellement la forme du2019une congru00e9gation, se voit interdire la possibilitu00e9 du2019offrir un enseignement mixte.21

Il faut aussi mentionner quu2019u00e0 lu2019u00e9poque, le diocu00e8se de Montru00e9al peut u00e9galement compter sur lu2019existence de quelques collu00e8ges : le Collu00e8ge de Montru00e9al fondu00e9 en 1767, le Su00e9minaire de Saint-Hyacinthe fondu00e9 en 1811, le Collu00e8ge de Sainte-Thu00e9ru00e8se de Blainville fondu00e9 en 1830 et le Collu00e8ge de Chambly dont lu2019existence se prolongea de 1829 u00e0 1844.

Entre autres projets du2019u00e9ducation populaire, Mgr Bourget ru00e9pond u00e0 un souhait depuis longtemps formulu00e9 mais jamais exaucu00e9 : la mise sur pied du2019une presse catholique. Cu2019est ainsi quu2019u00e0 la mi-janvier 1841, il fonde le journal les Mu00e9langes Religieux qui aura u00abu00a0pour mission de combattre les protestants et les libu00e9raux, de vu00e9hiculer les principes catholiques et de propager les bons livres.u00a0u00bb22u00a0Il en confie alors la direction au chanoine Jean-Charles Prince, celui-lu00e0 mu00eame qui, en 1852, devient le premier u00e9vu00eaque du diocu00e8se de Saint-Hyacinthe. Le chanoine Prince assumera cette responsabilitu00e9 depuis la fondation du journal en 1841 jusquu2019en 1845. Les Mu00e9langes Religieux seront publiu00e9s jusquu2019en 1852 alors quu2019un incendie du00e9truit les ateliers du journal.

Quelques annu00e9es plus tard, Mgr Bourget fonde lu2019oeuvre des bibliothu00e8ques paroissiales. Et bientu00f4t, u00abu00a0Les u00e9vu00eaques de Quu00e9bec et du Haut-Canada embou00eetu00e8rent le pas u00e0 sa suite, de sorte quu2019en peu du2019annu00e9es, nombre de paroisses ouvrirent une bibliothu00e8que, sous la surveillance et responsabilitu00e9 du curu00e9. En 1853, il y aura pru00e8s du2019une centaine de ces bibliothu00e8ques, avec un contenu global de 50,000 volumes. u00c0 elle seule, la bibliothu00e8que de Montru00e9al pour les classes pauvres aura, en 1860, 12,000 volumes.u00a0u00bb23

D-u00a0 AU NIVEAU DE LA VIE ASSOCIATIVE

Gru00e2ce au travail ardent du deuxiu00e8me u00e9vu00eaque de Montru00e9al, le ru00e9veil religieux de la partie sud-ouest du Bas-Canada est donc bien amorcu00e9 et se consolide de plus en plus. Mgr Bourget peut compter sur un ru00e9seau exemplaire dans le domaine de lu2019u00e9ducation, un ru00e9seau tout gagnu00e9 u00e0 la cause de lu2019u00c9glise et heureux porte-parole des idu00e9es mises de lu2019avant par le ru00e9veil religieux et missionnaire.

Comme preuve de ce ru00e9veil religieux, citons le du00e9veloppement du2019associations et de fraternitu00e9s pieuses. Autant celles-ci u00e9taient pour ainsi dire u00abu00a0boudu00e9esu00a0u00bb par les paroissiens au tournant des annu00e9es trente, autant elles connaissent un rapide du00e9veloppement au cours des annu00e9es 1840. Voyons ce quu2019en disent Messieurs Rousseau et Remiggi : u00abu00a0Il faut inscrire la diffusion de nouvelles associations volontaires de masse en tu00eate de la liste des innovations destinu00e9es u00e0 proposer u00e0 la conversion des fidu00e8les un territoire concret pour le changement moral et lu2019accu00e8s plus facile aux biens de salut telles les indulgences. Leur croissance fut extru00eamement rapide. En moyenne, il y avait probablement moins du2019une association ou confru00e9rie par paroisse avant 1840. Dans la pu00e9riode du2019innovation organisationnelle, lu2019expansion de quelques associations entrau00eene un u00e9quipement moyen de pru00e8s de trois associations, ce qui ru00e9vu00e8le un fort engagement du clergu00e9 et, en mu00eame temps, une solide ru00e9ponse des fidu00e8les u00e0 cette nouvelle offre de biens de salut. Au terme de la phase de ru00e9veil, durant les annu00e9es 1870, les paroisses compteront en moyenne cinq associations assurant la participation volontaire et lu2019encadrement des fidu00e8les.u00a0u00bb24

Quelles sont les obligations de celui ou de celle qui accepte de faire partie de lu2019une ou lu2019autre de ces associations ? Sur ce sujet, voici ce que ru00e9pondent Jean-Patrice Aru00e8s et Louis Rousseau :

u00abu00a0Il ne su2019agit pas du2019une appartenance lourde en exigences quotidiennes. Quelques transformations des conduites et des obligations sont perceptibles : quelques u00abu00a0Je vous salue Marieu00a0u00bb et u00abu00a0Notre Pu00e8reu00a0u00bbu00a0au moment de la priu00e8re du matin, la confession et la communion lors de certaines fu00eates pour acquu00e9rir les indulgences les plus rentables, de petites aumu00f4nes, une tempu00e9rance et une conduite chaste accordu00e9es aux tendances u00e0 plus de contru00f4le qui su2019introduisent dans les moeurs tant protestantes que catholiques de lu2019u00e9poque. En retour su2019offrait une nouvelle abondance en biens de salut garantissant au plus grand nombre un accu00e8s assez facile au ciel, terme du passage de la vie. Cet accu00e8s populaire au capital inu00e9puisable du pardon divin, voilu00e0 lu2019essentiel du nouveau mouvement associatif dans lu2019u00e9conomie religieuse de la culture qui se met en place avec le ru00e9veil religieux.u00a0u00bb Parmi les principales associations, nous retrouvons le u00abu00a0Saint-Scapulaireu00a0u00bb, la u00abu00a0Propagation de la foiu00a0u00bb, lu2019u00abu00a0Archiconfru00e9rie ou la Tempu00e9ranceu00a0u00bb25

Longtemps du00e9siru00e9e, la cru00e9ation du2019une province ecclu00e9siastique canadienne nu2019avait pu se concru00e9tiser en raison de la lu00e9gislation britannique qui su2019opposait u00e0 lu2019organisation de lu2019u00c9glise au Canada. Mais les autoritu00e9s britanniques vont bientu00f4t montrer plus du2019ouverture u00e0 cet u00e9gard.

Si le quatriu00e8me article du Traitu00e9 de Paris en 1763 u00e9tablit que u00abu00a0Sa Majestu00e9 Britannique convient du2019accorder aux habitants du Canada la libertu00e9 de la religion catholique; en consu00e9quence, elle donne les ordres les plus pru00e9cis et les plus effectifs pour que ses nouveaux sujets catholiques romains puissent professer le culte de leur religion selon le rite de lu2019u00c9glise romaineu00a0u00bb, il nu2019en comporte pas moins une restriction de grande importance : u00abu00a0en tant que le permettent les lois de la Grande Bretagne.u00a0u00bb26

Mu00eame si u00e0 premiu00e8re vue, ce quatriu00e8me article du Traitu00e9 de Paris semble rassurant pour les catholiques du2019ici, cette libertu00e9 octroyu00e9e u00e0 la religion catholique ne su2019applique quu2019aux actes du culte et ne permet pas le du00e9veloppement ou lu2019organisation de lu2019u00c9glise en Nouvelle France. En effet, une loi votu00e9e par le parlement de Westminster et signu00e9e par la reine u00c9lisabeth I le 25 janvier 1559 stipule : u00abu00a0Plaise u00e0 Votre Majestu00e9 du2019ordonner quu2019aucun prince, aucune personne, aucun pru00e9lat, aucun u00c9tat ni aucune Puissance, spirituels ou temporels, nu2019usent, ne jouissent, ni nu2019exercent jamais, apru00e8s le dernier jour de cette session du Parlement, un genre quelconque de pouvoir, de juridiction, de supu00e9rioritu00e9, du2019autoritu00e9, de pru00e9u00e9minence ou de privilu00e8ges, spirituels et temporels, u00e0 lu2019intu00e9rieur du Royaume
ou des dominions ou des contru00e9es, qui appartiennent maintenant ou appartiendront doru00e9navant u00e0 Votre Majestu00e9.u00a0u00bb27

Le gu00e9nu00e9ral James Murray qui a combattu lors de la Conquu00eate est nommu00e9 u00e0 titre de premier gouverneur au Canada (1763-1766). Les instructions quu2019il reu00e7oit de Londres ne peuvent u00eatre plus claires et plus pru00e9cises quant u00e0 lu2019avenir de lu2019u00c9glise catholique au Canada : u00abu00a0absence de hiu00e9rarchie papale, surveillance du clergu00e9, du00e9fense de laisser entrer dans la colonie des religieux et instinction progressive des communautu00e9s religieuses du2019hommes, u00e9tablir lu2019u00c9glise anglicane, tant en principe quu2019en pratique, induire graduellement les Canadiens u00e0 embrasser la religion protestante et u00e0 u00e9lever leurs enfants dans les principes de cette religion.u00a0u00bb28

Lu2019u00e9vu00eaque de Quu00e9bec, Mgr Henri-Marie du Breil de Pontbriand, du00e9cu00e9du00e9 u00e0 Montru00e9al le 8 juin 1760, nu2019a pu u00eatre remplacu00e9 en raison des troubles qui su00e9vissent u00e0 ce moment-lu00e0. Par suite de la Conquu00eate et des prises de position des autoritu00e9s britanniques, il est difficile de trouver un successeur. Faut-il nommer un vicaire apostolique ou un u00e9vu00eaque diocu00e9sain ? Apru00e8s plusieurs annu00e9es de pourparlers et de nu00e9gociations, lu2019autoritu00e9 britannique finit par accepter la nomination de Mgr Jean-Olivier Briand u00e0 titre de superintendant de lu2019u00c9glise romaine. Avec lu2019accord de Rome, ce dernier doit lui-mu00eame choisir son coadjuteur et le pru00e9senter aux autoritu00e9s romaines. Ayant reu00e7u lu2019approbation, il peut alors lui confu00e9rer lui-mu00eame lu2019ordination u00e9piscopale. Aux yeux des Anglais, la nomination du2019un u00e9vu00eaque diocu00e9sain u00e0 la tu00eate de lu2019u00c9glise canadienne, plutu00f4t quu2019un vicaire apostolique, confu00e8re u00e0 celui-ci une plus grande autonomie face u00e0 lu2019autoritu00e9 romaine. Pour les deux parties, il su2019agit donc du2019une heureuse solution.

Dans les annu00e9es qui suivent, les u00e9vu00eaques qui se succu00e8dent sur le siu00e8ge u00e9piscopal de Quu00e9bec doivent composer avec le Ru00e9gime britannique et tenter de faire reconnau00eetre lu2019importance du ru00f4le de lu2019u00c9glise catholique en terre canadienne de mu00eame que son utilitu00e9 pour le maintien de lu2019ordre moral et des bonnes moeurs. Il nu2019est toutefois pas question pour lu2019autoritu00e9 britannique de permettre lu2019u00e9rection du2019un autre diocu00e8se. Il faudra attendre 1836 pour quu2019enfin soit autorisu00e9e lu2019u00e9rection du diocu00e8se de Montru00e9al dont Mgr Jean-Jacques Lartigue deviendra le premier u00e9vu00eaque.

Comme nous lu2019avons du00e9montru00e9 pru00e9cu00e9demment, depuis la cession de la Nouvelle-France u00e0 lu2019Angleterre, diverses raisons font en sorte que la tension entre les deux populations va sans cesse grandissant pour finalement aboutir u00e0 la Ru00e9bellion de 1837-1838.

Aussi, afin quu2019aucune ru00e9bellion semblable u00e0 celle de 1837-1838 ne voie le jour, en 1839, Lord Durham, dans son rapport remis u00e0 Londres, pru00e9conise tout simplement lu2019asservissement et lu2019assimilation des Canadiens franu00e7ais. Et la fau00e7on envisagu00e9e est celle de lu2019Union des deux Canada. Afin de faire accepter cette idu00e9e par les Canadiens franu00e7ais, Sir Charles Poulett Thompson, qui a succu00e9du00e9 u00e0 Lord Durham au Canada, fait adopter par son Conseil spu00e9cial quelques mesures destinu00e9es u00e0 se concilier lu2019appui du clergu00e9 et de lu2019u00c9glise : 1) il confirme le Su00e9minaire de Saint-Sulpice dans ses titres de seigneur de Montru00e9al; 2) il renouvelle et assouplit la loi des congru00e9gations religieuses datant de 1830; 3) il pru00e9voit lu2019u00e9rection civile des paroisses. En ce domaine, lu2019u00e9vu00eaque peut du00e9sormais agir u00e0 sa guise sans les entraves engendru00e9es par lu2019intervention du pouvoir civil depuis la Conquu00eate.

Il faut dire quu2019en du00e9pit de la pu00e9riode agitu00e9e ayant pru00e9cu00e9du00e9 la Ru00e9bellion de 1837-1838, le Clergu00e9 et lu2019u00c9glise ont su gagner lu2019estime des autoritu00e9s britanniques. Voici ce quu2019en dit Lord Durham dans son rapport de 1839, u00e0 Londres : u00abu00a0Je ne connais pas au monde de curu00e9s dont la pratique des vertus chru00e9tiennes et lu2019observance scrupuleuse des devoirs du2019u00e9tat soient plus universellement reconnues et aient produit plus de bien. Pourvus du2019un revenu suffisant, mu00eame considu00e9rable par rapport aux idu00e9es du pays, ayant lu2019avantage de lu2019instruction, ils ont vu00e9cu sur un pied du2019u00e9galitu00e9 et de bienveillance avec les plus humbles et les plus illettru00e9s de leurs paroissiens. Connaissant les besoins et la mentalitu00e9 de ceux qui les entourent, ils ont u00e9tu00e9 les champions et des dispensateurs de la charitu00e9, les gardiens des moeurs de peuple. En lu2019absence du2019institutions civiles permanentes, lu2019u00c9glise catholique a pru00e9sentu00e9 lu2019unique ressemblance de la stabilitu00e9 et manifestu00e9 les seuls appuis de la civilisation et de lu2019ordre.u00a0u00bb29

Devant une telle ouverture du2019esprit de la part des autoritu00e9s britanniques, lu2019u00e9vu00eaque de Montru00e9al, Mgr Ignace Bourget, part pour lu2019Europe afin du2019y recruter de nombreuses communautu00e9s religieuses pour venir travailler dans son diocu00e8se u00e0 des oeuvres du2019u00e9ducation et du2019action sociale aupru00e8s des pauvres et des du00e9munis. Rome de son cu00f4tu00e9 su2019emploie u00e0 cru00e9er en 1844 la premiu00e8re province ecclu00e9siastique regroupant les diocu00e8ses de Quu00e9bec (1674), de Montru00e9al (1836), de Toronto (1841) et de Kingston (1826). Les u00e9vu00eaques de ces diocu00e8ses demeurent toutefois suffragants du siu00e8ge u00e9piscopal de Quu00e9bec? Mgr Joseph Signay se voit remettre le pallium des mains de Mgr Bourget, le 24 novembre 1844, u00e0 Quu00e9bec.

En 1851, un nouveau pas est franchi donnant u00e0 lu2019u00c9glise ses coudu00e9es franches en terre canadienne. Louis-Hippolyte La Fontaine, celui-lu00e0 mu00eame qui a u00e9tu00e9 fait prisonnier politique lors de la Ru00e9bellion de 1837-1838, devient premier ministre du Canada-Uni en 1842. En 1851, il fait voter par la Chambre ce principe fondamental en matiu00e8re de libertu00e9 religieuse: u00abu00a0Il est par le pru00e9sent du00e9claru00e9 et statuu00e9 par lu2019autoritu00e9 susdite que le libre exercice et la jouissance de la profession et du culte religieux, sans distinction ni pru00e9fu00e9rence, mais de maniu00e8re u00e0 ne pas servir du2019excuse u00e0 des actes de licence outru00e9e, ni de justification de pratiques incompatibles avec la paix et la su00fbretu00e9 de la province, sont permis par la constitution et les lois de cette province u00e0 tous les sujets de Sa Majestu00e9 en icelle.u00a0u00bb30

Cette loi est sanctionnu00e9e par la reine Victoria en 1852. Du2019ores et du00e9ju00e0, lu2019u00c9glise canadienne ne sera plus assujettie lu00e9galement par le pouvoir civil au Canada.

En 1844, apru00e8s de nombreux efforts et pourparlers, on voit enfin se ru00e9aliser le projet du2019une province ecclu00e9siastique dont Mgr Joseph Signay, alors archevu00eaque de Quu00e9bec, devient le responsable. Ce projet, formulu00e9 pour la premiu00e8re fois en 1763, voit finalement le jour gru00e2ce aux efforts soutenus de Messeigneurs Plessis, Lartigue et Bourget.31

Quelques annu00e9es plus tard, du 15 au 28 aou00fbt 1851, se tient le Premier Concile ecclu00e9siastique de Quu00e9bec auquel prennent part les u00e9vu00eaques de Quu00e9bec et de Montru00e9al accompagnu00e9s de leurs auxiliaires. Pour la circonstance, les u00e9vu00eaques des ru00e9cents diocu00e8ses de Kingston (1826), de Bytown (Ottawa, 1847) se joignent u00e0 eux.

Parmi les diffu00e9rents points discutu00e9s au cours de ce Premier Concile de Quu00e9bec, mentionnons la cru00e9ation de deux nouveaux diocu00e8ses, celui de Saint-Hyacinthe et celui des Trois-Riviu00e8res. Au sujet du diocu00e8se de Saint-Hyacinthe, voici le texte de la supplique qui fut ru00e9digu00e9e par les Pu00e8res du Concile et adressu00e9e au Pape Pie IX :

Tru00e8s saint pu00e8re

Nous Archevu00eaque et u00c9vu00eaques de la Province ecclu00e9siastique de Quu00e9bec, du00e9sirant pourvoir aux nu00e9cessitu00e9s des u00e2mes, croyons, pourvu quu2019il plaise au Saint-Siu00e8ge Apostolique, que doit u00eatre u00e9rigu00e9 un nouveau Siu00e8ge u00c9piscopal dans le territoire appelu00e9 Saint-Hyacinthe qui comprend le territoire ci-dessous du00e9signu00e9.

Le nouveau Diocu00e8se de Saint-Hyacinthe comprendra les comtu00e9s de Saint-Hyacinthe, Richelieu, Rouville, Missisquoi, Shefford et Stanstead, dans le Diocu00e8se et District de Montru00e9al, et une partie du comtu00e9 de Sherbrooke comprenant les cantons de Melbourne, Brompton, Orford, Ascot, Eaton, Clifton, Compton et Hereford, dans le Disctrict de Saint-Franu00e7ois et lu2019Archidiocu00e8se de Quu00e9bec.

Nous demandons aussi humblement que lu2019Illustrissime et Ru00e9vu00e9rendissime Jean-Charles Prince, u00c9vu00eaque de Martyropolis, et du00e9ju00e0 Coadjuteur avec future succession de lu2019Illustrissime et Ru00e9vu00e9rendissisme u00c9vu00eaque de Montru00e9al, soit choisi pour ru00e9gir le nouveau Diocu00e8se. Ce que nous espu00e9rons de lu2019indulgence de Votre Saintetu00e9.

Province du Canada, leu00a0

Cu2019est Mgr Jean-Charles Prince lui-mu00eame, alors u00e9vu00eaque coadjuteur au diocu00e8se de Montru00e9al, qui est du00e9signu00e9 par lu2019Assemblu00e9e conciliaire pour porter la supplique jusquu2019u00e0 Rome.

1u00a0ROUSSEAU, Louis et REMIGGI, Frank W., Atlas historique des pratiques religieuses, Le Sud-Ouest du Quu00e9bec au XIXiu00e8me siu00e8cle, Les Presses de lu2019Universitu00e9 du2019Ottawa, 1998, p. 2
2u00a0Ibidem, pp. 2-3
3u00a0Ibidem, p. 3
4u00a0Idem
5u00a0Idem
6u00a0Idem
7u00a0Sur cette partie de lu2019histoire de lu2019u00c9glise du Quu00e9bec, on lira avec profit le ru00e9sumu00e9 quu2019en donne M. Lucien Lemieux dans Lu2019u00c9glise de Montru00e9al, 1836-1986, Fides, 1986, pp. 24-29
8u00a0Cf., ROUSSEAU, Louis, o.c., p. 3
9u00a0Ibidem, pp. 3-4
10u00a0Ibidem, p. 4
11u00a0Ibidem, p. 200
12u00a0Cf., Ibidem, pp. 187-198
13u00a0Ibidem, p. 161
14u00a0Citu00e9 par LITALIEN, Rolland, Le pru00eatre quu00e9bu00e9cois u00e0 la fin du XIXiu00e8me siu00e8cle, Fides, 1987, p. 8
15u00a0CIMICHELLA, Andru00e9-M. Mgr, Lu2019u00c9glise de Montru00e9al, 1836-1986, Fides, 1986, p. 65
16u00a0ROUSSEAU, Louis, o.c., p. 5
17u00a0Cf., Idem
18u00a0Idem
19u00a0Cf., Ibidem, p. 208
20u00a0Cf., CIMICHELLA, Mgr Andru00e9-M., o.c., pp. 65-71
21u00a0Cf., ROUSSEAU, Louis, o.c., pp. 202-203
22u00a0PLANTE, Hermann, Lu2019u00c9glise catholique au Canada, 1604 u00e0 1886, u00c9ditions du Bien Public, 1970, p. 361
23u00a0Ibidem, p. 370
24u00a0ROUSSEAU, Louis, o.c., pp. 5-6
25u00a0Ibidem, p. 186
26u00a0LEMIEUX, Lucien, T. 1, Les annu00e9es difficiles (1760-18309) dans VOISINE, Nive, Histoire du catholicisme quu00e9bu00e9cois, vol. 2, Les XVIIIiu00e8me et XIXiu00e8me siu00e8cles, u00c9ditions Boru00e9al, 1989, p. 17
27u00a0Citu00e9 par LEMIEUX, Lucien, o.c., p. 18
28u00a0Ibidem, pp. 22-23
29u00a0Citu00e9 par PLANTE, Hermann, o.c., pp. 360-361
30u00a0Citu00e9 par PLANTE, Hermann, o.c., p. 362
31u00a0Cf., LEMIEUX, Lucien, o.c., p. 51-74